Sénégal – SYSTEME DE MARCHES PUBLICS SENEGALAIS
Le diagnostic sans complaisance du Dr Oumar Diokhané
Dans une longue tribune qu’il a intitulée « Le Système de Marchés Publics Sénégalais à l’ère du Souverainisme », Dr Oumar Diokhané, avec un regard d’expert, expose de manière saisissante les maux qui rongent la commande publique.
À première vue, Dr Oumar Diokhané commence par aborder la question fondamentale de la commande publique pour le développement économique et social des États. D’après ses avis, en incluant les marchés publics, les délégations de service public et les contrats de partenariat public-privé, elle représente entre 15 et 17 % du PIB des États membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Au Sénégal, les marchés publics constituent à eux seuls 15 et 20% du PIB. En 2017, les marchés immatriculés se chiffraient à 1545 milliards de francs CFA pour culminer à 4000 milliards en 2024 (source : ARMP). Hormis l’importance sur le plan économique, Dr Diokhané souligne que les marchés publics restent sur le chemin critique de la gestion des projets et doivent amener les Etats et les managers publics à leur accorder toute l’attention requise.
Il rappelle que le Sénégal a internalisé, en 2007, les directives édictées par l’UEMOA en matière de marchés publics. Cela s’est traduit notamment par l’avènement de la fonction régulation, du statut d’entreprise communautaire et par le remodelage du contrôle a priori. Cela étant, il définit La régulation des marchés publics comme « l’ensemble des actions destinées à prévenir ou à corriger les écarts dommageables au système de passation dans son ensemble et à envisager les évolutions propres à assurer son adéquation avec les réalités du moment, dans le respect des fondamentaux qui gouvernent la commande publique ».
Pour Dr Diokhané de se poser la question à savoir si malgré toutes les réformes que le Sénégal a connues depuis 1960, notre système de marchés publics répond aux enjeux de l’heure ? Il regrette le fait que 64 ans après notre indépendance, le Sénégal n’arrive toujours pas à s’affranchir d’un système de marchés publics hybride, à l’instar de beaucoup de pays de la zone UEMOA.
A l’en croire, le système de marchés publics sénégalais est piégé par des procédures sur lesquelles, le Sénégal n’a aucun contrôle et dont la conséquence est le ralentissement de la mise en œuvre des projets de développement. Par exemple, il relève que, ces dernières années, la question de l’ex- pertise des acheteurs constitue un sujet de préoccupation majeure malgré des efforts consentis par l’ARMP devenue ARCOP qui poursuit sa mission de pilotage du dispositif de formation en marchés publics cumulativement avec son rôle de régulateur.
Dr Oumar Diokhané dénonce le fait que certains partenaires de la coopération bilatérale financent des projets et confient systématiquement l’exécution à des agences de la nationalité de leurs pays d’origine. D’autres, plus subtils, positionnent des cabinets étrangers sur les procédures d’appels à la concurrence dont l’issue leur est souvent favorable. « Nous avons observé sur certains projets financés par des partenaires que la durée de la phase de passation de marchés, pouvait aller jusqu’à un an. Même si certains partenaires au développement ont assoupli ou abandonné le système du double contrôle, cette pratique dans la mise en œuvre des projets subsiste dans bon nombre d’interventions financées avec l’aide extérieure », constate-t-il pour le regretter. Selon lui, cette pratique peut introduire certains biais et amener les candidats aux marchés à développer des stratégies pour limiter la concurrence ou alors capturer les acheteurs.
L’autre problème identifié dans le système de marchés publics Sénégalais est relatif à l’existence d’offres anormalement basses et à l’absence d’outils efficaces pour les gérer. Le choix des offres
anormalement basses a des incidences non seulement sur la satisfaction financière mais il est sou- vent à l’origine du défaut de qualité, d’allongement des délais ou de la survenue de litiges.
Défis et perspectives
On retiendra avec certains auteurs que le défi dans les années à venir en matière de réforme, devra intéresser les procédures, les méthodes, la structure organisationnelle du secteur des marchés publics et les ressources humaines.
Une des réformes phares qu’il faudra envisager est la dissociation entre les fonctions stratégiques d’identification de projets et celles opérationnelles concernant la conduite de la procédure de passa- tion de marchés, à l’image de ce qui se fait dans d’autres systèmes de marchés publics où la perfor- mance globale est meilleure. De même, il faudra que la nouvelle ARCOP se recentre sur sa mission principale de régulation du système de marchés publics et s’appuie sur le secteur privé pour les ques- tions qui touchent le développement des compétences des acteurs.